Bombing France: Allied Strategies, 1940-1945 / Bombarder la France: stratégies Alliés, 1940-1945

Bombarder la France: stratégies Alliés, 1940-1945

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Allemands ou Alliés?
C’est d’abord par la Luftwaffe que la France se fera bombarder, pendant les six semaines de la campagne de mai-juin 1940. Seront atteints, parfois lourdement : les ports de la Manche, des villes du nord-est comme Abbeville, des agglomérations de la vallée de la Loire comme Blois ou Tours. Paris elle-même subira une attaque aérienne le 3 juin 1940 … puis une autre, cette fois-ci par des Allemands en pleine retraite, en août 1944.
La vaste majorité des attaques contre la France sont cependant le fait des Alliés. D’après le United States Strategic Bombing Survey, la France a reçu quelque 21,8% du poids total des bombes larguées par les Alliés sur l’Europe entre 1940 et 1945. Ce chiffre représente environ 588000 tonnes de bombes, soit près de huit fois les 74000 tonnes larguées par L’Allemagne nazie sur le Royaume-Uni au cours de la même période.

Bombardements aériens de la FranceBombes larguées par RAF Bomber Command sur les territoires occupés européens*
Annéeno.En % du totalAnnéeTonnesEn % du total
19402102,21940 à février 1942155985,7
19414504,8
19424885,21942 (mars à décembre)30561,1
19437888,41943149965,5
1944748279,3194424994392,1
1945180,2194532781,2
Total9436100,0Total271273100,0

* Surtout la France, mais aussi, notamment, la Belgique, les Pays-Bas, la Tchécoslovaquie, le Danemark, la Norvège, et la Pologne.

Sources: Ministère de l’Intérieur, Direction de la Défense Passive, Bulletin d’Information de la Défense Passive et de la Protection contre l’Incendie, no. 27, 1945: Sir Arthur Harris, Despatch on War Operations (Londres: Frank Cass, 1995), p. 44.

Pourquoi bombarder la France? L’élément psychologique

Après l’armistice du 22 juin 1940, la France devient, en principe, un pays non belligérant. L’idée de la « mettre en dehors la guerre » en la bombardant – ambition nourrie par les Alliés à l’égard de l’Italie, voir de l’Allemagne – n’a tout simplement aucune pertinence en ce qui concerne la France. Mais l’Hexagone subit aussi l’occupation Nazi, et à ce titre accueille, en nombres croissants, des troupes et des installations militaires et navales allemandes. Une proportion sans cesse plus grande de l’industrie française est mobilisée pour l’effort de guerre nazie. Voici donc, pour l’essentiel, les cibles des Alliés en France. Contrairement à leurs homologues allemands, les civils français représentent strictement, selon le langage des années soixante, des dommages collatéraux.

Il est vrai que les attaques alliées ne sont pas toujours liées à des objectifs précis. Par exemple, de nouveaux équipages britanniques ou américains subissent souvent leur baptême de feu dans les cieux hexagonaux avant de se hasarder au-dessus de l’Allemagne, plus lointaine et plus dangereuse. C’est ainsi que pendant ses cinq premiers mois d’opérations, du 17 août 1942 au 27 janvier 1943, l’US 8th Air Force ne frappe que des cibles françaises. De même, certaines attaques de petite envergure contre le nord de la France, familièrement connues par le terme « opérations-cirque », ont pour but principal de soustraire la chasse allemande du front de l’est, où le nouvel allié russe, ennemi de l’Allemagne nazie depuis le 22 juin 1941, subit de dures épreuves. Chez les Britanniques, enfin, on estime en 1941-2 que le moral des Français, et surtout leur espoir d’une éventuelle libération, serait renforcé par une bonne démonstration que la Grande-Bretagne continue à se battre, avec l’intention de gagner, et qu’elle est en mesure de porter des coups durs contre les industries françaises travaillant pour l’occupant.

Pourquoi bombarder la France? Les cibles-clés

De telles motivations « psychologiques » mises à part, les cibles des Alliés se divisent en six catégories principales : les ports, les terrains d’aviation, les industries, les sites des armes « V », le réseau ferroviaire, enfin les cibles directement liées aux opérations terrestres.

Les ports

  • Avec ses maigres effectifs de 1940, parmi les toutes premières cibles de Bomber Command figurent les ports de la Manche, en Belgique comme en France, où se massent les péniches allemandes en vue d’une invasion de la Grande-Bretagne qui, finalement, n’aura pas lieu.
  • La marine marchande allemande, toujours présente dans la Manche, attire des attaques de petite envergure tout au long de la guerre.
  • À une plus grande échelle, les navires de guerre allemands dans le port de Brest (les cuirassés Scharnhorst et Gneisenau, les croiseurs Amiral Hipper et Prince Eugène) attireront les attentions de Bomber Command de janvier 1941 jusqu’en février 1942, où les cuirassés prennent fuite.
  • Les centres des sous-marins de la côte atlantique (encore Brest, mais aussi Lorient, Saint-Nazaire, Bordeaux et La Pallice) deviennent, au début de 1943, les cibles de très lourds bombardements anglais et américains, donnant lieu à la quasi-destruction de Lorient et de Saint-Nazaire.
  • Les poches allemandes qui restent, dans certains cas, sous occupation bien après la libération de l’essentiel de l’Hexagone en 1944, sont également souvent bombardées. Certains, il est vrai, restent indemnes jusqu’à la reddition allemande en mai 1945. D’autres, par contre, comme Le Havre ou Brest, reçoivent de lourds bombardements qui, certes, aident à déstabiliser les garnisons allemands, mais qui laissent aussi les villes en ruines.

Les terrains d’aviation

Les terrains d’aviation constituent des cibles naturelles à tout moment de la guerre, mais notamment au cours de la bataille d’Angleterre (été 1940) et pendant les mois précédant le débarquement de juin 1944.

Les cibles industrielles

Pendant l’Occupation, quelque 30 à 40% de la production industrielle française est destinée à l’Allemagne. Les industries de l’armement, du bâtiment, de l’aéronautique travaillent pratiquement à plein temps pour le Reich, tandis que des firmes françaises connues comme Renault, Hotchkiss, Citröen or Gnôme-Rhône deviennent des se voient attribuer de grosses commandes pour le compte d’entreprises allemandes comme Heinkel, Junkers, Focke Wulf, ou BMW, qui voient en leurs homologues françaises des sous-traitants utiles.
L’attaque la plus connue contre une cible industrielle française par la Royal Air Force s’effectuera la nuit du 3 mars 1942 contre les usines Renault à Billancourt. D’après le nouveau chef de Bomber Command, Air Marshal Arthur Harris, les 235 bombardiers parviennent, grâce aux bonnes conditions météorologiques et à l’absence de la chasse allemande, à une « concentration dans le temps et dans l’espace » sans précédent. Les bombardements contre les cibles industrielles, par l’aviation britannique comme américaine, se poursuivra tout au long de la guerre.

Les sites des armes « V »

Les armes « V » allemandes : les bombes sans pilote (V1), les missiles balistiques (V2), enfin les canons à longue portée d’une nouvelle génération (V3) – représentent le danger principal qui pèse sur le territoire anglais au cours de la dernière année de la guerre. Connues des services de renseignement britanniques dès 1943, les premières V1 frappent Londres la nuit du 12 juin 1944, suivies des V2 à partir du 8 septembre.
De nombreux sites des armes « V » – des simples rampes de lancement des V1 à la vaste structure bétonnée de Mimoyecques destinée à la V3 – se trouvent sur le territoire français. Ces sites attirent plus de 117000 tonnes de bombes, soit à peu près le cinquième du total largué sur la France. Le caractère rural de la plupart de ces sites limite cependant les pertes humaines. Le gros des « dommages collatéraux » concerne les forêts, les bois, les terres, le bétail – et les exploitants et ouvriers agricoles.

Le réseau ferroviaire

Les réseaux de communications en France sont des cibles privilégiées de la RAF dès les premiers mois de l’Occupation. Rien que pendant les quatre mois du 1er octobre 1942 au 31 janvier 1943, celle-ci attaque des trains ou des cibles ferroviaires à 419 reprises. Quant aux Américains, le tout premier bombardement du continent européen par la US 8th Air Force vise la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen.
Ces attaques prennent cependant une autre dimension au printemps 1944 avec la mise en œuvre du « Transportation Plan » qui cherche, en vue du débarquement, à bloquer les mouvements des troupes allemandes à travers la France.

Du 3 mars au 5 juin 1944, l’aviation alliée larguera 63635 tonnes de bombes (dont 40930 tonnes pour le compte de RAF Bomber Command) sur soixante-quinze cibles ferroviaires – triages et centre d’entretien pour l’essentiel. Le principe de ces attaques suscite, au début, l’opposition autant des chefs des bombardiers – Harris pour Bomber Command et Carl Spaatz pour les forces américaines – qui préfèrent concentrer leurs efforts sur l’Allemagne – que de Churchill, qui redoute les pertes civiles et leurs retombées. Au bout d’âpres débats, Eisenhower, commandant en chef des forces alliés en Europe occidentale, son adjoint l’Air Chief Marshal Tedder, et, en dernier ressort, le Président Roosevelt lui-même, passent outre. Les bombardements lourds du printemps seront suivis, surtout après le débarquement, par des raids tactiques contre les ponts et autre cibles ferroviaires précises.

Le soutien aux opérations terrestres

Placées, dans la pratique, sous le commandement d’Eisenhower et de son SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) d’avril à septembre 1944, les forces stratégiques aériennes anglo-américaines, ainsi que les bombardiers moyens des forces tactiques alliées, consacreront une bonne partie de leurs efforts au soutien aux opérations terrestres. Juste avant le débarquement, elles frappent des « goulots d’étranglement » – des villes normandes comme Lisieux, Pont-l’Évêque, ou Saint-Lô, sélectionnées pour la présence de carrefours dont la destruction, estime-t-on, bloquera les forces allemandes, et surtout les divisions blindées, sur route. Aussi fera-t-on appel aux frappes aériennes pour soutenir les offensifs terrestres – avec des résultats décevants au-dessus de Caen en juillet, mais plus probant sur Saint-Lô à la fin du même mois.

Entre les bombardements des réseaux ferroviaires, les attaques contre les armes « V », puis le soutien aux opérations terrestres, l’offensif allié sur la France atteint son paroxysme entre mai et septembre 1944. En effet, au cours de cet été, le gros de l’effort total des bombardiers alliés est concentré sur les territoires occupés (essentiellement la France) ; c’est aussi pendant cette période que tomberont plus de la moitié du total des bombes reçues par la France pendant la guerre.

Comment les Alliés ont-ils bombardé ?

Selon un rapport de l’état-major français rédigé vers la fin de 1944 (Service Historique de l’Armée de l’Air, Vincennes, 3D/322), quelque 83% des bombes larguées sur la France sont constituées d’explosifs puissants, et 17% d’incendiaires. La moitié de ces dernières, d’ailleurs, est concentrée au cours des seuls mois de janvier et février 1943. Ces proportions présentent des originalités par rapport à l’effort principal des bombardiers. En effet, entre mars 1942 et mars 1944, époque où l’essentiel des attaques se concentre sur les villes allemandes, dont la destruction intégrale est activement cherchée, les incendiaires représentent près de 47% du total de Bomber Command.

En France, les bombardiers alliés ne cherchent pas à brûler des villes, mais à détruire des cibles précises. L’exception principale à cette règle est représentée par les bombardements des ports de l’Atlantique, où les britanniques estiment (à tort) qu’en détruisant des villes entières (surtout Lorient et Saint-Nazaire) on viendraient à bout des opérations des sous-marins qui s’y trouvent. Les attaques les plus intenses contre ces ports se feront, justement, en janvier et février 1943, les mois « fastes » pour les incendiaires.

La grande difficulté, surtout pour les civils français, était que ni la formation des équipages ni l’équipement des bombardiers n’était bien adapté aux bombardements de précision. Pour la population d’une ville française, un bombardement « tactique » ou « de précision » ressemblera souvent à s’y méprendre à un bombardement stratégique de zone.

Bombardements et politique

Le War Cabinet britannique n’acceptera jamais l’idée d’attaques aériennes contre la France avec le même enthousiasme qu’il donnera son accord au bombardement stratégique de l’Allemagne. Bombarder un peuple qu’il considère comme des alliés n’a rien pour plaire à Churchill, malgré ses relations orageuses avec de Gaulle. De plus, ces réserves d’ordre sentimental sont renforcées par des soucis strictement politiques. Quelles seront les ripostes de Vichy, qui dispose, avant novembre 1942, d’une flotte puissante et des colonies d’Afrique du Nord, susceptibles en cas de provocation d’être proposées à l’utilisation allemande ? Plus tard, ce seront les réactions de la France libre, ainsi que de la population en général (soupçonnée de sympathies de plus en plus procommunistes) qui préoccuperont le Premier ministre britannique. C’est ainsi que la zone libre ne sera pas bombardée, au moins pas intentionnellement, avant l’arrivée des Allemands en novembre 1942. De même, les bombardements pour l’essentiel, épargneront la capitale, même si les attaques contre la banlieue débordent bien souvent sur Paris elle-même. Les civils français, surtout dans les zones côtières, reçoivent de nombreux avertissements de la part des Britanniques, qui les encouragent à partir.

Mais les considérations militaires l’emportent, en général, sur les hésitations politiques. Ceci est vrai, par exemple, pour les bombardements des ports de l’Atlantique du début 1943, ou pour le Transportation Plan du printemps 1944. Les longues séances nocturnes du War Cabinet et de la Commission de défense britanniques du printemps 1944 verront les derniers débats politiques autour du bombardement de la France ; à partir de mai, les décisions seront prises au SHAEF sur des bases essentiellement militaires, ouvrant ainsi la voie aux mois les plus intenses de l’offensif aérien sur l’Hexagone.

Les bombardements de la France étaient-ils utiles?

Terre d’accueil de tant de juteuses cibles allemandes, la France occupée ne peut guère s’attendre à être épargnée par les forces aériennes alliées. Mais l’utilité des bombardements alliés de la France, tout comme celle de l’ensemble de l’offensif aérien allié, continue à être mise en cause, par des experts anglais ou américains autant que par des Français. Dès juillet 1944, le rapport d’un Bombing Analysis Unit britannique estime que le bombardement de Caen a retardé l’avance des troupes britanniques, en éparpillant de vastes entonnoirs à travers le champ de bataille, bien plus qu’il ne l’a aidé (National Archives of the United Kingdom, AIR 37/761). Harris, lui, fait preuve dans ses mémoires d’une certaine ambiguïté vis-à-vis les opérations contre les cibles françaises (qui l’enthousiasment toujours moins que l’offensif contre l’Allemagne) : s’il attribue volontiers le crédit des réussites à lui-même et aux hommes de Bomber Command, il a tendance à mettre les échecs et les bavures au compte de l’armée de terre.

Les débats continueront sans doute longtemps. Il est peut-être utile, cependant, de diviser les attaques alliées contre la France en trois catégories, tout en sachant que celles-ci ne seront jamais parfaitement étanches.

Cibles bien choisies, opérations bien exécutées

L’usine Gnôme-Rhône à Limoges, les alvéoles des vedettes allemandes au Havre, le tunnel de Saumur, l’usine Dunlop à Montluçon, les centres de l’industrie aéronautique autour de Toulouse, ou la forteresse de Mimoyecques, sont toutes des cibles militaires, industrielles, ou de communications irréprochables. Toutes ont été détruits, ou gravement endommagées, avec très peu de morts ou de blessés parmi la population civile. Quatre de ces attaques sont d’ailleurs le travail de la 617 Squadron, formation d’élite de la RAF à qui sont attribuées les missions les plus difficiles (comme par exemple le bombardement des barrages du Ruhr en mai 1943), et qui atteint un niveau de précision bien au-delà de celle du commun des équipages.

Cibles légitimes, dommages collatéraux élevés

Même si l’efficacité globale du Transportation Plan est parfois mise en question, il est difficile d’imaginer que les Alliées aient pu s’abstenir d’attaquer le réseau ferroviaire français, le moyen le plus sûr pour transporter les troupes allemandes, pendant les mois précédant le débarquement. Mais les grand centres ferroviaires, comme Sotteville-lès-Rouen ou Lille-Fives, sont entourés de manière quasi-systématique de logements de cheminots, ce qui entraînera de manière tout aussi systématique les pertes civiles.
On peut multiplier les exemples de tous types. Des attaques contre Le Creusot, peu efficaces contre les usines Schneider, laisseront des logements ouvriers et même un hôpital gravement endommagés ; les gros bombardements de la zone industrielle et portuaire de Nantes par l’aviation américaine en septembre 1943 atteint surtout les quartiers d’habitation, avec un nombre jusque-là sans précédent de morts civils ; les bombardements du Havre de septembre 1944, bien qu’un moyen évident de venir à bout de la garnison allemande, laisseront la ville détruite à plus de 80%, avec la mort de 2000 des ses habitants.

Les bombardements mal conçus

La troisième catégorie de bombardements, enfin, regroupe ceux qui sont mal conçus dès le départ. Les attaques de 1943 contre Lorient et Saint-Nazaire laisseront les villes en ruines mais les bases sous-marines intactes (elles le sont toujours, d’ailleurs, comme celles de Bordeaux et de La Rochelle). Harris, dans un rapport à Churchill, évoquera la « futilité » d’un programme de bombardements qu’il estime avoir été imposé par l’Amirauté. De même, les attaques contre les « goulots d’étranglement » routiers n’auront rien accompli de mieux que de détruire des bourgs ou des villages normands. Les Panzers, découvre-t-on un peu tard, sont capables de contourner ces cibles même détruites.

Le débat sur l’utilité des bombardements touche aussi sur la question du sabotage, moyen autrement plus économe, en explosifs comme en vies humaines, de détruire une cible précise (pour ne prendre qu’un exemple de la « Bataille du Rail », la nuit du 6 juin 1944 voit la destruction de 52 locomotives par la Résistance à Ambérieu-en-Bugey). Plusieurs escadrilles de Bomber Command sont d’ailleurs réservées des années durant aux livraisons d’armes et d’autres équipements à la Résistance, au grand dam d’Harris. Il arrive au gouvernement britannique de faire confiance au sabotage au point de s’abstenir de bombarder certaines cibles, comme par exemple l’usine Peugeot à Sochaux (après une première attaque meurtrière). Mais une telle attitude reste l’exception. En général, le commandement allié fait plus confiance à ses bombardiers, sous son contrôle exclusif, qu’aux groupes de résistance, considérés souvent comme trop imprévisibles et opérant dans des conditions trop difficiles pour être aussi fiables.

La reconnaissance photographique

Parmi les préparations du débarquement figure un programme ambitieux de reconnaissance aérienne fait par la RAF, qui divisera la Belgique et la France du Nord en secteurs mesurant chacun 1 degré de latitude par 1 degré de longitude. Pour chaque secteur est préparé un dossier épais concernant les « cibles tactiques », et notamment les terrains d’aviation, les installations ferroviaires, les transports routiers et fluviaux, les QG ennemis, les parcs de véhicules, les dépôts de munitions et d’essence, les défenses côtières, les centrales électriques, les ports, les zones industrielles. Ces dossiers sont à la disposition aussi bien de la marine et de l’armée de terre que de la RAF. Des extraits du dossier pour Le Havre sont montrés ici.

De même, au-dessus de la France (comme de l’Allemagne), la RAF prépare avec beaucoup de soin des photos des cibles avant, pendant et après ses bombardements. Nous montrons ici les bombardements de septembre 1944 qui laisseront, d’après le rapport préliminaire d’interprétation, « une zone de dévastation totale » au centre du Havre.

La propagande aéroportée

Les bombardiers alliés ne larguent pas que des bombes. D’après Tim Brooks (British Propaganda to France, 1940–1944: Edinburgh University Press, 2007), la France a reçu quelque 676 millions de brochures et de tracts et autres brochures de l’air, ce qui représente près de 45% du total distribué par les Britanniques pendant la guerre. Un petit « journal » de quatre pages, Le Courrier de l’Air, « livré par vos amis de la RAF », représente une part considérable de cet effort. Une publication comparable, L’Amérique en Guerre, sera larguée par l’US 8th Air Force.

Ces « journaux » ou tracts proposent tout d’abord des nouvelles des grands événements de la guerre, où l’on peut s’informer des victoires de l’Armée rouge, se rassurer de l’unité des « trois grands » – Churchill, Roosevelt, Staline – ou de celle de la France libre. Une place de choix est réservée à l’offensif aérien contre l’Allemagne, avec un numéro spécial du Courrier de l’Air consacré aux images du bombardement des barrages du Ruhr en mai 1943. Plus rarement les attaques alliés contre des cibles en France sont présentées, en insistant sur l’importance de celles-ci pour l’effort de guerre allemand. Les lecteurs pourront aussi recevoir des informations pratiques. Chaque numéro du Courrier de l’Air donne les fréquences de la BBC. D’exhortations régulières pressent les civils à quitter les zones côtières, telles qu’elle sont définies par les Allemands. L’Amérique en Guerre va même jusqu’à dresser une liste des cibles possibles en France dont il fallait s’écarter si possible.

La veille du débarquement, les habitants des bourgs et des villages en Normandie sont invités à « quitter cette ville » sans attendre. Hélas ! les villes n’étant pas nommées, la plupart des civils estiment que leurs localités n’ont aucun importance stratégique, que les avertissements sont destinés aux voisins, et que les précautions ne s’imposent pas.

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Bombing France: Allied Strategies, 1940-1945

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France was bombed by the Luftwaffe during the six-week campaign of May-June 1940. Channel ports, towns in the north-east such as Abbeville, and on the Loire such as Blois and Tours, were all hit, sometimes heavily. Paris itself was raided on 3 June and again, by the retreating Germans, in August 1944.

But the Allies were responsible for the great majority of air raids on France. According to the United States Strategic Bombing Survey, France took some 21.8% of the total tonnage of Allied bombs dropped on Europe between 1940 and 1945. That represents some 588,000 tons of bombs, or nearly eight times the roughly 74,000 tons dropped by Nazi Germany on the United Kingdom in the same period.

Air raids on France Bombs dropped by RAF Bomber Command on Enemy-Occupied Territory*

 Air raids onFranceBombs dropped by   RAF Bomber Command onEnemy-Occupied  Territory*
Yearno.As % of totalYearTonnage droppedAs % of total
19402102.21940-1942 (February)15,5985.7
19414504.8
19424885.21942 (March-December)3,0561.1
19437888.4194314,9965.5
19447,48279.31944249,94392.1
1945180.219453,2781.2
Totals9,436100.0Total287,647100.0

* Chiefly France, but also, in particular ,Belgium and Holland, as well as Czechoslovakia, Denmark, Norway, and Poland.

Sources: Ministère de l’Intérieur, Direction de la Défense Passive, Bulletin d’Information de la Défense Passive et de la Protection contre l’Incendie, no. 27, 1945: Sir Arthur Harris, Despatch on War Operations (London: Frank Cass, 1995), p. 44.

Why bomb France? The psychological factor

After the armistice signed with the victorious Germans on 22 June 1940, France was, in principle, a non-belligerent power. It could never be ‘knocked out of the war’ by bombing, as the Allies hoped to do against Italy or even Germany. But France was also under Nazi occupation, and home to a growing number of German troops and military and naval installations. A growing proportion of French industry contributed to the Nazi war effort. These were the Allies’ targets in France; French civilians were strictly – to use a term from the 1960s – collateral damage.

The Allies’ reasons for attacking France were not always linked to specific objectives. For example, new aircrews, both British and American, were regularly ‘blooded’ over France before being sent to more dangerous German skies; indeed, for its first five months of operations, from 17 August 1942 to 27 January 1943, the US 8th Air Force only hit French targets. Small-scale raids over northern France – so-called ‘circus’ operations – were primarily designed to draw German aircraft away from the new Russian ally afterGermany’s invasion of the USSR on 22 June 1941. And the British, especially during 1941-42, hoped that a strong RAF presence would improve French morale by demonstrating that Britain was still in the war to win, and was capable of hitting French industries working for the German occupiers.

Why bomb France? The key targets

Such ‘psychological’ motivations for bombing aside, the Allies’ targets can be divided into six main categories: ports, airfields, industries, V-weapon sites, railways, and targets in support of ground troops.

Ports

  • With its meagre forces of 1940, among Bomber Command’s first targets were the French and Belgian Channel ports, where German barges were massing in preparation for the invasion of Britain that never came.
  • German merchant shipping along the Channel continued to attract small-scale Allied raids throughout the war.
  • On a much larger scale, German surface raiders in the port of Brest (the battlecruisers Scharnhorst and Gneisenau, the heavy cruisers Admiral Hipper and Prinz Eugen) occupied much of Bomber Command’s attention from early 1941 until February 1942.
  • U-boat centres along the Atlantic coast (Brest again, but also Lorient, Saint-Nazaire, Bordeaux and La Pallice) were the targets of heavy British and American raids, especially early in 1943, when the towns of Lorient and Saint-Nazaire were all but destroyed.
  • German enclaves remained in several French ports well after the liberation of the rest of the country in 1944. Some were left intact until the German surrender in May 1945; others, such as Le Havre and Brest, received heavy Allied raids that reduced the German garrisons but left the towns in ruins.

Airfields

Airfields were regularly attacked by Allied air forces, particularly in the months before D-Day. Most were in rural or semi-rural locations, but small towns like Beaumont-le-Roger in Normandy or Dugny, north of Paris, could still be badly hit.

Industrial targets

For most of the war at least 30-40 per cent of French industrial output was produced for Germany; France’s armaments, construction, and aircraft industries worked practically full-time for the Reich, with well-known French firms like Renault, Hotchkiss, Citröen or Gnôme-Rhône subcontracting for big orders from German enterprises like Heinkel, Junkers, Focke Wulf, and BMW.

The best-known RAF raid against a French industrial target, on the night of 3 March 1942, hit the Renault works at Boulogne-Billancourt and achieved what the newly-appointed Commander-in-Chief of Bomber Command, Air Marshal Arthur Harris, called a ‘concentration in time and in place’ without precedent over any target in the war so far. British and American attacks on similar objectives continued throughout the war.

V-weapon sites

V-weapon sites were major French targets from late 1943 until the liberation of France in August/September 1944. They attracted over 117,000 tons of bombs – nearly a fifth of the Allied total. As most sites were rural, human casualties were fairly slight: collateral damage was chiefly to woods, farmland, livestock – and farm workers.

Rail targets

French communications were obvious targets for the Allies from early in the war. The first-ever raid by the US 8th Air Force hit marshalling yards in Sotteville, near Rouen. The RAF made 419 attacks on trains and rail targets just in the four months to 31 January 1943.

The French rail system became a prime objective of Allied bomber forces during the preparations for D-Day, in spring 1944, when the ‘Transportation Plan’ aimed to wreck rail centres and stall the movement of German troops in France. Between 3 March and 5 June 1944, Allied air forces dropped 63,635 tons of bombs on 75 Transportation targets, 40,930 tons delivered by RAF Bomber Command. These raids were initially opposed both by the bombing chiefs – Harris for the Bomber Command and Spaatz for the American air forces – who preferred to hit Germany, and by British politicians, including Churchill, who feared the consequences of French civilian casualties. They were overruled by Eisenhower, the Allied C-in-C in Western Europe, by his Deputy, Air Chief Marshal Tedder, and ultimately by President Roosevelt. Tactical raids on bridges and other rail targets would reinforce the effects of the Transportation Plan after D-Day.

Support for ground operations

Placed, in effect, under the command of SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) from April to September 1944, the British and American strategic air forces, and the smaller bombers of the Allied Tactical Air Forces, diverted much of their effort to the support of Allied ground troops. In the run-up to D-Day, they hit so-called ‘choke points’ – road crossings in small French towns whose destruction, it was thought, would block the movement of German troops and armour. Air strikes were also called down in direct support of ground attacks – to little benefit over Caen in July, to greater effect prior to the American break-out west of Saint-Lô. With ground support operations and continuing attacks on communications and V-weapon sites, the Allied bombing offensive over France reached a climax between June and September 1944, when about half the total tonnage of the war was dropped.

How did they bomb?

A French report from late 1944 (Service Historique de l’Armée de l’Air, Vincennes, 3D/322) found that some 83 per cent of bombs dropped on France between January 1942 and August 1944 were high explosive, and only 17 per cent incendiaries. Of the incendiary bombs, over half were dropped in just two months – January and February 1943.
Over France, Allied bombers were not trying to burn cities but to destroy precise targets. The major exception to this rule was the raids on the Biscay ports, when it was believed – wrongly – that destroying towns (Lorient and Saint-Nazaire, in particular) could end operations from the U-Boat bases there. The most intensive Allied raids on the Biscay ports were, precisely, in January and February 1943.

The difficulty, for the French people above all, was that neither the bomber formations nor the training of Allied aircrews were well adapted to the aim of precision bombing. To the inhabitants of a French city, a ‘precision’ raid could still feel like area bombing.

The politics of bombing France

The British War Cabinet never accepted the bombing of France as readily as it agreed to the strategic bombing offensive against Germany. Churchill never liked bombing a people he still regarded as allies. But sentimental reservations were reinforced by strictly political concerns – about the reactions of Vichy France before November 1942 (when it still controlled a fleet and North African colonies), and thereafter about the behaviour of the Free French and the general population (who, it was feared, were becoming more pro-Communist). France’s unoccupied southern zone was not deliberately bombed until the Germans took it over in November 1942; the city of Paris was largely spared raids (though its industrial suburbs were not). French civilians, especially in coastal areas, were warned by the British to leave, and many did. But military considerations often trumped political hesitation, as with the big raids on the Biscay ports in early 1943 or the Transportation Plan from April 1944. The long late-night sessions of the British Defence Committee and War Cabinet, in spring 1944, were the last political debates over the bombing of France; from May the decisions were taken by SHAEF on a largely military basis, opening the way to the heaviest months of bombing from June to September 1944.

Bombing France: was it worth it?

With so many German targets on its territory, France could hardly hope to escape the Allies’ bomber forces. But the usefulness of the Allied bombing of France, like that of the broader Allied strategic bombing offensive, has repeatedly been questioned – by British and American observers as well as French ones. As early as July 1944, a British Bombing Analysis Unit reported that cratering caused by the bombing of Caen had actually hindered the Allied advance (National Archives, AIR 37/761). Harris himself, always more reluctant to bomb French targets than German ones, took an ambiguous view in his memoirs – claiming credit for successful raids while tending to blame the Army for those that were not.

While the debates will continue, it may be useful to divide Allied raids on France into three main categories, though there will always be gradations between them.

Well-chosen targets, efficiently bombed

The Gnôme-Rhône aero-engine works at Limoges, the German E-boat pens in Le Havre, the Saumur rail tunnel, the Dunlop factory at Montluçon, the aviation plants around Toulouse, or the V3 site at Mimoyecques, were all unimpeachable military or industrial targets; all were destroyed with low (though not negligible) loss of French civilian life. Four of these raids were virtuoso operations carried out by the élite 617 Squadron (the Dam Busters) with a precision beyond the capability of most aircrews.

Legitimate targets, high collateral damage

Although the overall effectiveness of the Transportation Plan has been questioned, it is hard to imagine the Allies not attacking rail targets – the main channel for German reinforcements – in the weeks before D-Day. But big rail centres, such at Sotteville near Rouen or Fives outside Lille, were almost invariably surrounded by railwaymen’s housing, and civilians suffered accordingly.

Similar examples abound in relation to other types of target. Attacks on Le Creusot failed to do major damage to the heavy engineering works there, but wrecked workers’ housing and a hospital; the heavy American raids against industrial targets in Nantes in September 1943 took a hitherto unprecedented toll of casualties; the bombing of Le Havre in September 1944, while an obvious means to dislodge a well dug-in German garrison, left the town 80% bomb-damaged and killed over 2,000 French civilians.

Ill-conceived raids

A third category of raids, finally, was ill-conceived from the start. The attacks on Lorient and Saint-Nazaire in 1943 left the towns destroyed but the submarine pens intact (as they remain to this day); a memo from Harris referred to the ‘futility’ of a policy which he felt had been imposed on Bomber Command by the Admiralty. There is no evidence that the attacks on ‘choke points’ on the eve of D-Day did more than destroy small Norman towns and villages. Panzers, it was found, could go round the wrecked target areas.

Photographic reconnaissance

Preparations for D-Day included an ambitious programme of aerial reconnaissance by the RAF, under which the whole of Belgium and Northern Francewere divided into sectors 1 degree of latitude by 1 degree of longitude. For each numbered sector, the reconnaissance programme produced a thick file of ‘tactical targets’ including airfields, rail installations, roads and waterways, enemy headquarters, motor transport parks, ammunition and fuel dumps, coastal defences, electric power installations, port areas, and industrial plants. The dossiers were held by the Army and Navy as well as the RAF. Samples for the Le Havre file are exhibited here.

Over France as over Germany, the RAF was meticulous about preparing reconnaissance images of all targets before, during and after raids. Exhibits here cover raids of September 1944 which created, in the words of the Immediate Interpretation Report, ‘an area of complete devastation’ in the centre of Le Havre.

Propaganda from the air

Allied bombers did not only drop bombs. According to Tim Brooks (British Propaganda to France, 1940–1944: Edinburgh University Press, 2007), France received some received 676 million leaflets from the air – nearly 45 per cent of the total British leafleting effort. A four-page ‘newspaper’, Le Courrier de l’Air, ‘delivered by your friends in the RAF’, accounted for much of this; a similar American publication, L’Amérique en Guerre, was dropped by the US 8th Air Force.

Leaflets offered general war news, with Soviet victories prominently featured, affirmed the unity of the ‘Big Three’ Allied powers, and gave an upbeat presentation of the tortuous affairs of the Free French. A special place was reserved for the bombing war against Germany, with a pictorial issue devoted to 617 Squadron’s attacks on the Ruhrdams in May 1943. A little more rarely, the leaflets mentioned Allied attacks on France, often to point out that the targets were French factories working for the Germans. Finally, the leaflets carried practical information: BBC frequencies appeared in every issue of Le Courrier de l’Air, and the French were urged to evacuate the coastal zones already subjected to restricted access by the Germans. L’Amérique en Guerre even advised the French to stay away from a named list of possible targets acrossFrance.
On the eve of D-Day, towns and villages across Normandy were invited by Allied leaflets to ‘leave this town’. Tragically, most civilians saw their own localities as of no strategic importance, and thought that the warnings were meant for someone else.

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